En ces
temps de Panama Papers, il pourrait sembler dérisoire de dénoncer
ce type de scandale. Certes, il n'est pas question ici
d'enrichissement personnel, mais plutôt d'appauvrissement collectif.
« Mettre
au pilon : détruire les documents mis au rebut » nous dit
le glossaire des bibliothèques.
Dans
l’édition, on pilonne un stock de livres ou de numéros de revues
quand ils n'ont plus aucune chance d'être vendus et que l'on manque
de place.
C'est
en tant qu'éditeur que la Bibliothèque Sainte Geneviève (BSG)
s'apprête à pilonner.
En
bibliothèque, avant de pilonner, il est
d'usage de proposer les documents concernés en don aux bibliothèques
et institutions publiques ou privées partageant notre mission de
diffusion de la culture.
La BSG,
elle, a choisi de pilonner des stocks d'ouvrages qu'elle a
elle-même édités plutôt que de prendre la peine de les donner.
Lettre d'information de la Bsg du 4 avril 2016 (extrait) |
Un
exemple : Le rétablissement d'une architecture : honneur à
Labrouste. Yves
Peyré, photographies de Michel Nguyen. Bibliothèque
Sainte-Geneviève, 2011 (25
Euros).
De rapides vérifications permettent pourtant d'identifier de nombreuses bibliothèques ne possédant pas ce document.
En tout
premier lieu, la Bibliothèque nationale de France, où le Dépôt
Légal n'a semble-t-il même pas été fait puisque le livre est
absent du catalogue. La BSG, dépositaire pendant plus d'un siècle
d'un double du Dépôt Légal, source incontestable de la richesse de
ses collections, est bien peu reconnaissante !
Au moment
même où le quadrilatère Richelieu et sa grande salle de lecture
construite par ce même architecte Henri Labrouste sont en pleine
rénovation, un ouvrage sur la restauration du premier bâtiment
qu'il a construit en intéresserait certainement plus d'un.
Hors la
BSG, seulement cinq bibliothèques dans toute la France en possèdent
un exemplaire dans leurs collections. Cette faible présence devrait
inciter à une diffusion plus large.
Les
collections de la BSG – comme celles de nombreuses autres
bibliothèques – s'enrichissent régulièrement grâce aux dons.
Pourquoi à notre tour ne pas donner ces ouvrages plutôt que les
détruire ?
Voici
quelques exemples d'établissements où cet ouvrage pourrait avoir sa
place :
- la
bibliothèque de l'ENSSIB et toutes les bibliothèques d'IUT Métiers
du livre, spécialisées dans l'histoire des bibliothèques,
- la bibliothèque de la Cité de l'architecture, qui a organisé en
2013 une exposition consacrée à Labrouste, l'INHA, ainsi que
toutes les bibliothèques d'écoles d'architecture,
- les bibliothèques du réseau de la Ville de Paris, intéressées
par l'histoire des monuments parisiens,
- les grandes institutions étrangères pouvant collaborer avec la BSG
Au-delà
des bibliothèques, avant de pilonner, il serait possible de proposer
des exemplaires aux architectes et historiens d'art venant des quatre
coins du monde visiter ce bâtiment, et pourquoi pas aux différents
publics de la bibliothèque, lecteurs ou visiteurs.
Cela
contribuerait à la valorisation de l'histoire et du patrimoine de la
BSG.
D'autres
titres portant sur l'architecture et les collections de la
bibliothèque risquent de subir le même sort.
La BSG est
une bibliothèque de conservation, la richesse de ses collections en
fait l'une des principales bibliothèques françaises, fréquentée
tant par les étudiants que les chercheurs et le grand public.
Certes, l'espace est limité, mais avant de détruire des livres
neufs dans une urgence incompréhensible, il serait sage et
responsable de prendre le temps de la réflexion.
La
réalisation de cet ouvrage en 2011 a eu un coût, tous les acteurs
de la chaîne du livre le savent bien : rémunération de
l'auteur – ici salaire de l'ancien directeur ; droits d'auteur du
photographe ; impression de plusieurs milliers d'exemplaires,
diffusion. Diffusion défaillante puisque l'ouvrage n'est même pas
présent sur Electre, ce qui explique la faiblesse des ventes.
Sa
destruction aujourd'hui a également un coût.
Dans les
deux cas, c'est de l'argent public qui est dépensé.
Conserver,
communiquer, enrichir et valoriser, telles sont les missions des
bibliothèques. Au moment où les ressources publiques se font rares,
il semble judicieux de gérer le budget avec discernement.
Quand d'un
côté la BSG pilonne des documents touchant à son histoire, et d'un
autre décide de fermer sa salle de lecture ou de suspendre sa
communication d'ouvrages pour privatiser ses espaces, nous nous
interrogeons plus que jamais sur le sens de ses missions de service
public.
Paris le
38 mars, ou 7 avril 2016
L'intersyndicale
de la Bibliothèque Sainte-Geneviève
intersyndicale.bsg@gmail.com
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